Homélie aux funérailles du frère Maurice Poirier

1re lecture : 1 Jn 3,18-24
Évangile : Jn 15,1-5a

Il n’y a pas d’heure ni de saison pour vivre sa Pâques. Maurice vient de vivre la sienne alors que la joie de la Résurrection résonne encore. Nous voici donc à nouveau confrontés au paradoxe de la vie et de la mort. Deux réalités, qu’il nous faut tenir à bout de bras.

Frère Maurice Poirier c.s.v.Jean Dormesson, avec l’humour qui le caractérise, disait récemment : « La seule façon de ne pas mourir, c’est de ne pas être né ». Mais il se pressait d’ajouter : « La vie est quand même belle »… Et c’est ce que Maurice aura connu.

Même si, comme il en rêvait, il n’a pu atteindre les 103 ans de sa mère, il a tout de même pu goûter à ses 93 ans bien sonnés. Même sa fin qui aurait pu être complexe et souffrante fut heureusement brève, nous laissant de bons souvenirs.

Tout au long du temps pascal, tant dans ses lettres que dans son évangile, saint Jean nous accompagne. Soixante ans après les événements, il nous partage ce qu’il aura retenu de meilleur de son intimité vécue avec le Christ. Et les images fusent, comme celle de la vigne. Une image qui dit tellement bien la réalité de l’aventure chrétienne et plus particulièrement quand elle est vécue en contexte de vie consacrée.

Je suis la vigne, vous êtes les sarments…
La leçon n’est pas sans importance.

Évoquant cette image, Jésus veut nous parler de vie et de fécondité. Une vigne digne de ce nom porte du fruit. Mais pour que ceux-ci se pointent, pour qu’un sarment, un rameau se couvre de fruits juteux, la vie doit d’abord pouvoir circuler. Et pour y arriver, plusieurs facteurs sont en cause dont le premier de toute évidence est celui de la connexion. Il faut être branché, bien branché sur le tronc. Ici l’expression prend tout son sens.

À regarder notre frère Maurice, à faire ne serait-ce qu’un bref inventaire de ce qu’ont été pour lui presque 75 ans de vie religieuse chez les clercs de Saint-Viateur, l’image du sarment, du rameau solidement greffé s’impose.

Pendant 20 ans il fut professeur à l’élémentaire, sans évidemment oublier toutes les tâches connexes. Il fut ensuite assistant infirmier disant déjà sa délicatesse et la patience qu’était la sienne. Puis ce fut l’aventure paroissiale tant aux États-Unis, à Christ-Roi, qu’à Jean XXIII. Là aussi, il aura laissé un impressionnant témoignage.

Au moment de son départ de Trois-Rivières, voici ce qu’un journaliste au Nouvelliste avait écrit, je cite : « Nous allions vite apprendre que cet homme imposant drapé dans son aube blanche était un grand cœur, un grand frère, un grand serviteur de Dieu et du prochain. C’est ainsi que nous l’avons vu déambuler dans l’église, sérieux comme un pape, digne comme un chanoine, pieux comme un moine… »

Ces quelques mots disent un peu le souvenir qu’il a laissé partout où il a passé : un « grand frère », un « grand cœur », un « grand serviteur ». Après la paroisse ce furent les services communautaires et cela jusqu’à la fin. Ce n’est que l’été dernier qu’il a remis sa démission comme membre du conseil de la maison. Il commençait à sentir le poids des années.

Ainsi, il a continué avec discrétion à nous partager ses talents. Maurice avait une belle voix. Que de célébrations n’a-t-il pas animées. Maurice était aussi un bricoleur-ébéniste qui a laissé sa marque dans plus d’un lieu de culte. Il s’était découvert une dernière passion, celle du tour à bois. Quel n’était pas son plaisir de nous montrer son travail et de nous offrir l’une de ses pièces peaufinées avec soin.

Maurice a été un beau rameau de vigne, l’un de ces sarments qui a généreusement porté du fruit. Il ne fut pas de ceux qui se contentent d’aimer en paroles ou en discours, mais il fut de ceux qui aiment par des actes et en vérité.

Quel fut son secret… tout simple.

Avec fidélité, en toute simplicité, il avait accueilli dans sa vie le don de la foi. Sa vie chez les clercs de Saint-Viateur l’aura aidé à la nourrir, à l’entretenir et surtout à la traduire en termes d’engagement et de service.

Maurice aura surtout vécu bien greffé à la vigne du Seigneur. Le sarment qu’il fut a porté du fruit, un fruit qui aujourd’hui, a la saveur de la vie éternelle.

Merci Maurice, pour la qualité de ta présence.
Merci pour ton témoignage indéfectible.

Amen.

Père Jacques Houle, c.s.v.

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