Pour que son pardon libérateur nous atteigne

Cet article est tiré du site Catéchèse / Ressources. Il reprend quelques idées de l’ouvrage de Rémi Brague intitulé « Du Dieu des chrétiens… et d’un ou deux autres » que nous vous conseillons grandement (Éditions Flammarion, 2008).

Dans le septième chapitre de son ouvrage intitulé : « Un Dieu qui pardonne les péchés », Rémi Brague offre plusieurs clarifications concernant cette délicate question. En voici quelques unes. Il s’attarde notamment à élucider l’expression « rémission des péchés » que confesse le Credo chrétien.

Choisir la vie

Mains et eauLe Dieu de Jésus-Christ est celui qui attend de nous que nous choisissions le bien, que nous choisissions la vie :

« Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10)

Voilà pourquoi le Dieu vivifiant est Celui qui délivre la vie de ce qui la blesse et la fausse.

Ce qui gâche la vie humaine, le christianisme l’appelle « péché ». (p. 219)

Ce qui blesse Dieu, c’est que nous nous blessions nous-mêmes

« Mais est-ce bien moi qu’ils blessent? (…) N’est-ce pas plutôt eux-mêmes, pour leur propre confusion? » (Jr 7,19)

Ce qui « blesse » ou « offense » Dieu (pour employer une formule traditionnelle) c’est que l’être humain s’abîme lui-même en péchant. En effet, comme l’affirme Thomas d’Aquin :

« Dieu n’est offensé par nous que dans la mesure où nous agissons contre notre propre bien. » (Somme contre les Gentils, III, 122)

De son côté Rémi Brague écrit : « Pécher, se séparer de Dieu, et se faire du tort à soi-même, c’est tout un. » (p. 226)

Pardon ou rémission ?

Le Credo (« Je crois en Dieu ») affirme que le Dieu des chrétiens est celui qui pardonne les péchés, plus précisément, qu’il « remet les péchés ». Qu’est-ce à dire ?

De fait, la rémission est beaucoup plus que le pardon (p. 230) :

  • Le pardon a quelque chose d’humain
    Lorsqu’une personne humaine pardonne une faute commise à une autre personne, il cesse de la considérer comme mauvaise et définitivement entachée par sa faute. Il peut certes tenter d’oublier pour ne plus voir que l’avenir, mais il ne peut faire plus.
  • La rémission pour sa part est une véritable libération
    Dieu seul est capable de rémission, car lui seul peut changer le cœur de l’être humain et lui donner la liberté de ne plus pécher.

Où est le péché ?

Le péché, que l’on confond souvent avec la faute, transcende toutes les formes du mal. Qu’est-ce à dire ?

Rémi Brague insiste sur le fait que le péché se situe en moi, et en moi seul. De fait, moi seul puis m’accuser de péché, car moi seul puis dire que j’étais pleinement responsable de ce que j’ai fait. (p. 231)

En revanche, je peux certes constater que quelqu’un a commis une faute ou désapprouver sa mauvaise conduite, mais je ne puis condamner cette personne. De fait, qu’aurais-je fait si j’avais été lui, avec son caractère, son passé et les conditions dans lesquelles il a agi? Cela, je l’ignore totalement.

Bref, le péché ne peut exister qu’à la première personne du singulier. Moi seul peux dire : « J’ai péché ».

Plus précisément, moi seul peux dire que j’ai choisi, en mon âme et conscience, de me retourner contre mon bien véritable.

Le péché est dépersonnalisation : il touche la personne au cœur même de ce qu’elle a de plus personnel. (p. 233)

À tout péché, miséricorde

Dieu est précisément celui qui peut pardonner le péché, ce mal personnalisé traduit à la première personne. (p. 235)

Mais pour ce faire, afin que son pardon libérateur nous atteigne, Dieu a besoin que nous reconnaissions ce mal commis comme nôtre :

L’Amour se propose toujours, mais ne s’impose jamais. (M. Zundel)
Dieu qui t’a créé sans toi ne te sauvera pas sans toi. (St Augustin)

S’il est vrai que le pardon est donné depuis toujours (« C’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes. » Heb 10,10) c’est notre aveu qui permet au pardon de nous toucher et de nous libérer.

Pour les catholiques notamment, Rémi Brague fait remarquer qu’il serait préférable, dans le cadre du sacrement de la réconciliation, de traduire la formule latine qui conclut le sacrement : ego to absolvo, non pas par : « Je te pardonne », mais bien, plus littéralement, par : « Je te délie, je défais tes liens. » (p. 237).

On le voit bien, puisqu’un péché ne peut avoir été commis que par « moi », et donc ne peut exister qu’à la première personne, reconnaître son péché en produit le pardon et la libération. C’est comme si l’on disait : « Merci Seigneur pour l’amour libérateur et miséricordieux que tu m’offres depuis toujours; vois mon péché; viens me libérer. »

« Demandez et vous recevrez » (Mt 7,7)

Rappelons notamment que la parabole du pharisien et du publicain jette un éclairage particulier sur ce qui vient d’être exprimé :

Pharisien et publicainÀ l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres, Jésus dit la parabole que voici : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts).
Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même : “Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain.
Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.”
Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !”
Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »
(Lc 18,9-14)

« La vérité vous rendra libres. » (Jn 8,32). L’important étant d’être vrai avec soi-même et avec Dieu. L’important étant de marcher dans la lumière et de ne pas se conter d’histoires…

Le pardon de Dieu me rend capable d’aimer mon prochain

Dieu nous « remet nos péchés » non pour récupérer ce que nous lui aurions fait perdre, mais pour nous permettre de recouvrer notre intégrité perdue; son désir étant que nous retrouvions notre capacité d’aimer.

Car il faut le souligner, le péché paralyse la personnalité.

Or il m’est impossible de restituer ma personnalité par mes seules forces : voilà pourquoi j’ai besoin de la grâce qui guérit et qui libère.

Heureusement, Dieu ne peut que pardonner puisque le Dieu de Jésus-Christ n’est qu’Amour (1 Jn 4,8). Il a nous a même pardonné depuis l’origine : « Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. » (Ep 1,4)

Il nous a d’emblée tout pardonné, une fois pour toutes, sur la croix. (p. 239) : la « rémission de nos péchés » nous étant définitivement acquise.

Femme aux pieds de JésusSeulement, pour que son pardon puisse m’atteindre, il faut que je l’accepte, il faut que j’accepte de recevoir ce qui m’est offert depuis toujours. (p. 241)

Comme le souligne Rémi Brague, « c’est au regain de l’amour chez la femme qui lui oint les pieds que Jésus reconnaît que ses péchés lui ont été remis, qu’elle s’ouvre à l’espérance, encore obscurément pressentie, de sa réintégration dans le plan de salut que Dieu a sur elle. » (p. 240)

« Voilà pourquoi je te le dis : ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » (Lc 7,47)

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